C’était il y a un mois, un jeudi soir, pendant l’accueil des nouveaux membres.
On avait installé six plateaux dans la salle principale. Trois débutants sont venus. Deux étudiants, nerveux. Et une fille. Plutôt jolie, mais clairement pas du milieu : tenue un peu voyante, ongles vernis, sac minuscule.
Elle a demandé à jouer. Je me suis porté volontaire. Pas par galanterie, hein. Juste… pour éviter qu’un de nos bons joueurs se fasse embêter. J’ai sorti mon plateau de secours, celui en plastique. Elle s’est assise en face, polie, concentrée.
Elle ne connaissait rien. Ou du moins, c’est ce que je croyais. Elle jouait lentement, regardait les pièces comme si elle lisait un mode d’emploi.
Je lui ai expliqué les règles, les mouvements. Elle hochait la tête sans un mot. J’ai même blagué un peu. Elle a souri vaguement. Pas vraiment intéressée.
Après vingt minutes, je l’ai matée. Rien d’étonnant. Elle m’a remercié, s’est levée, et a regardé les autres tables.
Elle est partie juste après. Sans laisser de contact.
Et j’ai oublié. Vraiment.
Jusqu’à ce matin-là.
J’étais au konbini du coin, en train de feuilleter un magazine pour tuer le temps. Je suis tombé sur une photo. Double page. Interview d’une nouvelle prodige. Une joueuse professionnelle.
Elle s’entraîne parfois incognito dans des clubs locaux, pour évaluer le niveau amateur.
C’était elle. Même sourire. Même regard.