C’était ma première simultanée publique.
Douze adversaires. Douze plateaux. Je m’étais préparé des semaines. J’avais tout répété : le rythme, les ouvertures, l’ordre de rotation. Même la position de mes mains.
Au début, tout allait bien. Les premiers tours, les coups venaient tout seuls.
Puis j’ai commencé à perdre le fil.
Pas d’un coup. Progressivement.
Je retournais aux mêmes plateaux, et j’avais l’impression de les découvrir. Je reconnaissais des formes, mais sans me rappeler qui avait joué quoi. Une fatigue étrange. Pas physique. Comme si une partie de moi restait en arrière à chaque rotation.
Je sais que certains me regardaient. Le public s’épaississait autour. Je crois même que j’ai souri une ou deux fois, pour donner le change. Mais à l’intérieur, je m’enfonçais.
Quand la cloche a sonné, j’étais sûr d’avoir tenu bon. Pas parfait, mais correct.
Le Président s’est approché. Il a dit doucement :
Douze défaites. Toutes au temps.
J’ai cru qu’il plaisantait.
Mais non.
J’ai regardé les plateaux. Certains étaient à peine entamés. D’autres dans un désordre que je ne comprenais pas.
Je n’ai pas protesté. Pas posé de question. J’ai juste salué et quitté la salle dès que j’ai pu.
Depuis, j’ai tout repassé dans ma tête. Chaque séquence. Chaque erreur. J’ai cherché un motif, une faille, une cause.
Je n’ai rien trouvé.
Je ne sais pas pourquoi j’ai si mal joué.
C’est dur.