Cent Histoires de la Région du Kansai

La Princesse Bleue

L'Égalité Nue

L’organisateur se tourne vers un homme assis près de l’entrée.

Satoshi-san, nous vous écoutons.

Dans le sentō près du parc de Tengachaya, il y a une règle tacite : on se lave vite, on parle peu, et chacun garde ses pensées pour soi. Pourtant, les soirs d’été, quand la chaleur est insupportable et que la vapeur colle à la peau, certains hommes se mettent à discuter plus longuement que d’ordinaire.

Je m’assieds souvent près des anciens. Ils parlent d’argent, du prix des légumes, des allocations, de la retraite qui ne suffit pas. Leurs voix résonnent dans la salle carrelée, se mêlant aux éclaboussures.

Un soir, un homme d’une cinquantaine d’années, au visage familier, a lâché :

Ici, au moins, on est tous égaux. Nus, dans la même eau. Pas de hiérarchie, pas de patron.

Personne n’a répondu. Juste un silence pesant, troublé par le bruit de l’eau chaude qu’on se verse sur la nuque.

Il m’a regardé un long moment, puis a demandé :

Vous jouez à l’ōgi ?

J’ai hoché la tête, surpris.

Une partie ? Sans plateau. Juste comme ça.

Dans l’eau chaude, entourés de vapeur, nous avons commencé. Il a ouvert avec le Nakabisha – tour au centre, dès le troisième coup. Brutal. La pression était immédiate. J’ai senti la menace frontale, cette tour plantée comme un drapeau au milieu de mon territoire.

J’ai tenté de construire une défense, un Mino Castle rapide sur l’aile. Mais chaque coup qu’il annonçait à voix basse amplifiait la pression. Son fou glissait sur les diagonales, sa tour dominait le centre. Je me sentais écrasé, comprimé.

En moins de vingt coups, j’étais mat.

Il s’est levé calmement, et est parti.

Le narrateur marque une pause, regarde ses mains.

On est tous égaux, qu’il disait. Pourtant, il venait de me démolir comme un enfant.

Il lève les yeux vers l’assemblée, son regard s’arrête sur un homme au fond de la salle.

Un silence lourd s’installe.