Cent Histoires de la Région du Kansai

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Chapitre 23 : Au-delà de la Raison

Narrateur : Infirmière Sato - District : Shinsekai

Un murmure parcourt l'assemblée lorsqu'une femme en uniforme d'infirmière entre dans le temple. Le Président pose délicatement sa liste et se lève à demi, les mains jointes en signe de gratitude.

"Sato-san, votre présence nous honore. Je sais que votre service de nuit vous attend après cette cérémonie. Merci d'avoir pris le temps de venir partager ce... ce témoignage difficile."

Il se rassoit lentement, le visage grave.

"Mes amis, écoutons attentivement ce que Sato-san a à nous dire."

À l'hôpital psychiatrique d'Ōsaka où je travaille comme infirmière, nous avons reçu mardi dernier un cas singulier. Un professeur de mathématiques dans la quarantaine a été admis en urgence après avoir été découvert dans l'un des vieux salons de jeux de Shinsekai. Lors de son admission, j'ai remarqué qu'il dégageait un parfum d'encens inhabituel. Sur sa fiche d'entrée, dans la case "Personne à contacter", il avait griffonné d'une main tremblante un seul mot : "Komayō".

Ne pouvant joindre personne, nous avons dû contacter son université pour obtenir ses coordonnées. Son épouse, Madame Ishikawa, est arrivée peu après et s'est précipitée dans sa chambre. Entre ses crises, ses doigts dansaient dans le vide, reproduisant inlassablement les mêmes mouvements, comme s'il manipulait des pièces invisibles. "Je dois terminer la partie", murmurait-il d'une voix rauque, "elle attend mon prochain coup". Le propriétaire du salon, que j'ai contacté, m'a assuré que l'établissement n'était fréquenté que par quelques habitués, principalement des personnes âgées.

Ce matin, en prenant ma garde, j'ai trouvé sa chambre vide. Un quadrillage étrange était dessiné sur le mur, le sang déjà presque sec noircissant chaque trait. La police l'a retrouvé dans le vieux salon de jeux de Shinsekai, son corps glacé figé devant un jeu de ōgi, les yeux toujours ouverts.

L'infirmière termine son récit dans un silence pesant. L'organisateur hoche lentement la tête, ses yeux brillant dans la lueur des bougies.

— Pauvre Ishikawa-sensei, murmure-t-il d'une voix grave. Une partie magnifique. Impossible de prédire qui aurait gagné.